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Centre d'Etude et de Protection des Oiseaux, Bienne et environs

A16, Vallée de Tavannes :


Samedi 29 mai 2021

A16 dans la Vallée de Tavannes

Les treize participants se sont retrouvés sur l’aire de repos de Reconvilier, premier poste de la visite. Philippe Fallot, biologiste membre fondateur du CEPOB et chef de projet forêt, nature et paysage à l’Office des Ponts et Chaussées OPC, a introduit la balade et accompagné le groupe tout au long de la journée.
La balade a débuté par une visite de l’aire de repos, construite sur une butte issue des matériaux d’excavation du tunnel de Tavannes « Sous-le-Mont ». Un arboretum à but didactique et récréatif présente la quasi-totalité des essences d’arbres (37 espèces) et de buissons (65 espèces) indigènes de Suisse. Le CEPOB a installé des nichoirs à passereaux sur les plus grandes tiges présentées. En plus de l’arboretum, l’aire de repos de Reconvilier présente des milieux séchards parsemés de buissons et une tour à Hirondelles de fenêtre occupée par un ou deux couples de Moineaux friquets, fréquents dans ce secteur.

Les mesures de compensations de l’A16 n’ont cependant pas permis le maintien du Pipit des arbres et du Tarier des prés, car elles n’ont pas d’effet sur l’évolution des techniques agricoles. Ces mesures sont également impuissantes face à l’évolution négative des populations régionales d’Alouette des champs. La Pie-grièche écorcheur a quant à elle diminué entre 1989 et 2005 mais a réaugmenté depuis lors à un niveau supérieur à celui connu lors de l’étude d’impacts, grâce aux 20 km de nouvelles haies implantées.

Pour la suite de la visite, les participants se sont répartis dans quatre véhicules direction le lieu-dit « La Sauce », à l’est des terrains de foot de Bévilard. Un bois pâturé a été largement éclairci pour être converti en pâturage boisé dans le but de permettre à la lumière d’atteindre le sol et ainsi promouvoir le développement naturel de pâturages humides à Populage des marais et Reine-des-prés. La tempête « Ciara » de février 2020 a en plus renversé quelques grands épicéas épargnés lors de la coupe. Ceci a créé de manière inattendue des sites de ponte pour les batraciens et les Rougegorges (gouilles sous les souches et sites de nids dans leurs couronnes racinaires). La mise en lumière a permis au Gobemouche gris d’adopter le site, sans altérer la présence du Pic épeiche, autre espèce d’oiseau observée à La Sauce lors de la balade.

Nous étions ensuite attendus à la cabane de la Société des pêcheurs par David Carnal, président de la société qui nous a préparé le verre de bienvenue, en attendant le repas de midi. Forestier- bûcheron de formation, David Carnal travaille au sein d’une entreprise sylvicole qui a beaucoup œuvré dans le cadre des travaux forestiers liés au chantier de l’A16. L’idée de la société était d’offrir aux écoliers de Court un site d’enseignement des sciences naturelles présentant certains habitats et certaines espèces de la région. Le ruisseau des Fontaines, qui coule sur le côté gauche de la cabane, est proche de l’état naturel. Le cordon riverain du ruisseau a été revitalisé par forte éclaircie de la strate arborescente pour donner place à la strate buissonnante. Ceci a favorisé la Fauvette des jardins qui babillait entre deux explications. Un nouveau tronçon de haie a été planté à l’amont de la cabane et des fruitiers haute-tige aux environs immédiats. Le pâturage amont a été revitalisé par la mise en place de bosquets, buissonnants dans un premier temps (il ne restera qu’un arbre à terme). Deux étangs ont été aménagés l’été dernier. L’étang amont, alimenté par de l’eau de source pour assurer son oxygénation, permettra de présenter certaines espèces régionales de poissons. L’étang aval, à alimentation pluviale uniquement, sert de site de ponte pour les batraciens.

David Carnal a dû nous quitter avant que nous tirions le pique-nique hors du sac. Un grand MERCI à lui pour son accueil chaleureux et ses explications de praticien ayant acquis de très bonnes connaissances de naturaliste!
Pas le temps de profiter de la machine à café mise à disposition par la Société des pêcheurs: Jean-Claude Gerber, naturaliste probablement le plus complet de la région et auteur de différents ouvrages (notamment les « Papillons du Jura ») nous attendait à l’amont de la Jonction de Court. Jean-Claude connait très bien ce secteur car il a participé à différents suivis faunistiques en faveur de l’A16. Avant le chantier A16, le site de la Jonction de Court abritait un terrain de foot, des pâturages peu à très boisés et une groisière qui accueillait notamment le Crapaud accoucheur. Actuellement, le terrain de foot a fait place à une bretelle routière, le site d’exploitation de groise a été déplacé à l’est et le pâturage boisé central a été revitalisé par des plantations et treize étangs. Ces étangs aménagés par l’A16 ont pour but de servir de site de ponte pour les batraciens, notamment pour le Crapaud accoucheur. Les suivis de Jean-Claude Gerber ont permis de démontrer le succès de la mesure: le site abrite désormais sept espèces de batraciens (Crapauds accoucheur et commun, Grenouilles rousse et verte, Triton alpestre et palmé, Salamandre tachetée) et la plus grande population connue de Crapaud accoucheur dans le Jura bernois. La discrète et rare Coronelle lisse a également profité des aménagements (tas de pierres artificiels et coupes forestières pour mettre en lumière les empierrements naturels).

Dix espèces de papillons de jours avaient été identifiées lors de l’étude d’impacts (1988). Le secteur de la jonction de Court en compte désormais 51, un total digne d’une prairie maigre d’importance nationale! Certaines espèces de papillons, comme le Petit Argus, sont apparues suite au réchauffement climatique, en suivant les talus routiers riches en Fabacées semées. Enfin, trois oiseaux sont caractéristiques des lieux: le Pouillot de Bonelli, le Gobemouche noir et la Pie-grièche écorcheur sur qui les Cépobiens se sont attardés quelque peu avant de se diriger vers le dernier poste: le site de dépôt de Chaluet.

Le site de dépôt de Chaluet a été choisi pour y entreposer les matériaux d’excavation du tunnel sous le Graitery. Actuellement, les dépôts à Chaluet sont terminés et le site a été réaménagé. Les reboisements forestiers dominent largement, car il s’agissait du milieu nettement majoritaire à l’état initial. Des étangs à Crapaud accoucheur notamment ont également été créés, et l’affluent du ruisseau de Chaluet a été réaménagé par étapes. Prairies maigres et mégaphorbiaies complètent ces aménagements, qui abritent deux espèces rares de libellules présentées par Jean-Claude Gerber: le Cordulégastre bidenté et l’Orthétrum bleuissant. Un grand MERCI à Jean-Claude pour ses contributions sortant largement du cadre purement ornithologique!

Les treize hectares d’emprise temporaire sur le milieu forestier du site de dépôt ont été compensés par la création de treize hectares de clairières en faveur du Grand Tétras et de la Gélinotte des bois. Ces surfaces se sont cependant montrées trop modestes pour permettre le maintien du tétras, dont la dernière observation remonte à 2015 (par David Carnal, observation confirmée par la découverte d’une crotte (observation personnelle)). Le Grand Tétras est l’espèce de la phase de décrépitude forestière, atteinte en 200 à 300 ans dans le cas des hêtraies à sapin comme ici. Il occupe également le stade forestier pionnier de 0 à 20 ans qui apparaît suite aux ouragans, comme celui qui a dévasté plus d’un kilomètre carré à l’Envers de Montoz en 1983. Suite à l’ouragan, le boisement est resté favorable tant qu’il était jeune, jusqu’en 2003 donc. A partir de ce moment-là, la repousse du hêtre a commencé à monopoliser la lumière nécessaire aux essences pionnières, nourriture du Grand Tétras, comme le framboisier par exemple. Ne trouvant plus les baies en suffisance pour constituer les réserves de graisse nécessaire à passer l’hiver, la population a commencé à décliner pour s’éteindre une dizaine d’années plus tard. L’espoir de voir le Coq de bruyère recoloniser les lieux est très mince.

Le parc éolien de Montoz Prés Richard été accompagné d’un très vaste programme de mesures forestières en faveur de la Bécasse et de la Gélinotte des bois. Ces mesures ont été abandonnées suite au refus du parc éolien par la population de Court. Actuellement, un projet de réserve forestière reprend certaines mesures du parc éolien, mais ce projet est de bien moindre importance en termes d’emprises et de diversité des mesures proposées (plus des deux tiers de la forêt anciennement habitée par le Grand Tétras n’a plus qu’une fonction de production de bois désormais, donc restera de toute manière hors du périmètre de la réserve). Le projet de réserve forestière est en attente pour le moment, car le propriétaire forestier principal, à s’avoir l’Etat de Berne, refuse d’appliquer les tarifs édictés par ce même canton pour dédommager les propriétaires des surfaces de réserves forestières. La Gélinotte des bois pourrait donc bien connaître le même destin malheureux que son grand cousin. Un participant à la visite nous dit qu’il na pas observé la Bécasse des bois à l’Envers du Montoz lors de prospections de croule en 2019 et 2020. Au moins deux bécasses croulaient cependant dans le secteur quelques jours après la visite du CEPOB de l’A16 (observation personnelle).

Cette visite aura manifestement suscité l’intérêt de tous les participants. Ils n’imaginaient pas tous les efforts qui accompagnent actuellement les grands projets d’infrastructures, tant au niveau de l’intégration paysagère des ouvrages qu’au niveau des milieux annexes créés ou revitalisés grâce au processus des mesures de compensation exigées par les études d’impacts.

Albert Bassin, Ingénieur en gestion de la Nature et cépobien, actif dans la planification des mesures de compensation de l’A16 depuis 2005.



photos: Quentin Wenger


Gobemouche gris


Milan royal


Faucon crécerelle


Bruant jaune


Bruant jaune


Bruant jaune


Pic épeiche


Pic épeiche

 



photos: Claude Wehrli


 


 
 
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